Autrice : Garance DE JORNA
Genre : Dark (High) Fantasy
Nombre de pages approximatif : 530
Autoédition (Mars 2023)
« Après la guerre Néméis, il ne reste de la paix que des ruines. Elle a été anéantie par une femme dont on ne connaît plus le visage, mais dont le cœur bat toujours entre les étroits murs d’Uxora, la cité infame qu’elle a asservie trois siècles plus tôt.
Kaylor y est prisonnière depuis sa naissance. Rongée d’un mal dont elle ne peut se défaire, elle arpente la vie sans espoir. Voilà des années qu’elle se bat contre la fédération d’Uxora. Contre elle-même, surtout.
Au-delà des décombres de la guerre, Enndray n’est plus que les vestiges d’un clan oublié. Jaïke est un de ses guerriers. Guidé par la rancœur, il est prêt à tout pour anéantir celle qui lui a tout arraché, même à laisser un monstre rallier sa cause.
Lorsque Kaylor rejoint Enndray contre son gré, le clan retrouve l’espoir. Mais à mesure que son mal grandit et que Jaïke s’empêtre dans sa haine, la légende ressort d’entre les livres d’histoire pour anéantir les dernières âmes. Des âmes noires et filandreuses, liées par la même union.
Celle des Reliquats. »
Mon avis :
Nouvelle lecture, nouvelle chronique avec ici une dark fantasy très… torturée !
Pour être honnête, j’avais repéré cette petite pépite à paraître depuis un moment. Elle promettait beaucoup d’éléments sombres, il y a une mention d’une terrible guerre passée et d’une femme à la longévité anormale (fait glissé l’air de rien, presque, mais qui m’a tilté !) , une protagoniste touchée par un mystérieux mal et un autre personnage qui ne semble pas mieux loti… Ça augurait bon !
Et en effet, je peux d’ores et déjà vous confier qu’il s’agit d’une lecture qui mérite très sincèrement le détour !
Le roman s’ouvre sur une sorte de chanson, laissant elle-même place à la narration qui, elle, ne berce pas. Nous plongeons dans la fameuse cité d’Uxora mentionnée sur la quatrième de couverture. Cité, ou prison, à voir…
Le décor est aussi désastreux que les conditions de vie et l’ambiance générale ; tout y est sale et mauvais. Pourtant l’autrice glisse une pointe de beauté tout en simplicité dans le lieu avec une fleur. Si l’élément en soi n’est pas crucial, je trouve que cette entrée en matière donne un aperçu intéressant que l’on retrouvera à l’échelle plus globale du livre : celui-ci est sombre, ses personnages et son contexte encore plus, pourtant l’autrice fera fleurir (ou plus humblement : germer pour l’heure) ci et là des choses qui présagent d’être fabuleuses. Mais j’y reviens un peu après !
Je vous avoue avoir hésité sur ce que je pouvais écrire dans cette chronique car ce premier tome n’est pas un long fil d’aventures mais plutôt une porte d’entrée dans l’univers très fourni de l’autrice. Sans être du tout une montagne d’informations débitées par un narrateur, l’intrigue nous permet de découvrir : les personnages, sur lesquels le travail fait est remarquable de profondeur, l’Histoire du monde et sa morphologie (paysages, …) – son bestiaire aussi. Ce dernier point est présenté par petites touches, mais se révèle très vite original et surprenant. Pour faire simple : aucune bête n’est une bête commune, fantasy ou non. L’autrice crée plutôt des hybrides – dont certains sont tout sauf mignons et gentillets. Une pensée pour Ystern le nukyr ♡
Le point central du roman n’est pas tout à fait tourné vers la force antagoniste. Ce qui ne me dérange pas, quoique cela donne une dynamique assez « tranquille » au roman : on ne voyage pas d’un bout à l’autre du monde ni n’enchaîne la description des quêtes et batailles ; on voit les personnages jetés dans l’arène qu’est l’univers et à eux de se préparer au combat (ou se déchirer la figure, le cas échéant).
Non, dans ce premier volet, les personnages doivent plutôt affronter l’ennemi… qui est en eux.
Kaylor et Jaïke surtout – mais pas uniquement – sont rongés par des maux de différentes natures.
Or, si vous me suivez depuis un moment sur le blog, vous devez vous souvenir que je répète souvent adorer – oui les contes, mais promis, ce n’est pas ce que j’allais dire 🤣 – les personnages « cassés ». Les écorchés. Pas parce que je suis sadique (j’ai tellement de compassion, littéralement, j’ai mal avec eux les trois quarts du temps 🙄) mais parce que j’aime les voir se battre, évoluer. Que ce soit vers la réussite ou la déchéance. Eh bien, sans le moindre doute, ici, ils souffrent. Fort. Très fort. Et j’ai adoré apprendre sur les blessures des uns et des autres. Entrevoir leurs failles et leurs parades pour les cacher. Les voir « lécher leurs plaies » jusqu’à ne plus en avoir la force et devoir choisir entre soigner pour de bon ou laisser gangréner.
Et que dans ce combat, ils ne sont pas à l’abri de découvrir « une fleur » sous la noirceur qu’ils couvent.
Le travail et la profondeur donnée à chacun était pour moi LA grande force dans ce récit !
À cela j’ajoute que la plume s’accorde à merveille à cette dimension. Élaborée sans trop l’être, celle-ci, avec le choix des mots et celui des métaphores, a beaucoup touché mon petit cœur de pure littéraire. Sur ce point, j’ai notamment une vraie appréciation du recours des sens qui rendait tout palpable : l’odorat, le toucher surtout étaient largement convoqués. Et cela donnait une part très concrète à des sentiments comme la douleur, la colère. Elles sont acides, elles sont glacées ou brûlantes, elles griffent, elles tailladent, et cætera. En d’autres mots, cette lecture m’a profondément remuée !
En résumé, il s’agit d’un premier tome qui nous ouvre à un univers d’une richesse et d’une tonalité sombre impressionnantes. J’ai vraiment apprécié que l’on profite avant tout de s’imprégner du monde offert par l’autrice, de ses personnages torturés à l’Histoire en passant par la faune inventée de toutes pièces. L’aesthetic m’aura d’ailleurs donné beaucoup de fil à retordre 😬
Celles et ceux que l’on suit ne sont pas des anges, ni des héros, mais leurs blessures et secrets les rendent sympathiques et touchants (et agréablement agaçants pour certains).
Une magnifique promesse pour la saga en devenir, que je serai curieuse de suivre !
N’hésitez pas à me dire en commentaire ce que vous en pensez ou si vous l’avez lu 
Plume d'Ayorin 